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Vers la Drôme avec nos sabots


Madame est à la retraite depuis le 1er janvier ; pour fêter ça nous avons décidé de descendre de Germiny à Livron-sur-Drôme à pied : 1000km en 50 étapes environ. Départ sous la pluie par -3°, le mercredi 17 mars à 10h du matin, première étape : Haroué.

On y croit ! Un hair de Prépar-a-tifs comme dirait mon coiffeur ! Le départ est pour demain 10h : on pense à tout, on pèse, on prend, on laisse, on verra plus tard, on expédie sur le chemin ; on s’imagine trempés, fourbus, ampoulés, bronzés, enrhumés, mais pas encore vaccinés du goût de l’aventure. Haroué nous voilà, avec une pause café à Houdreville.


Je ne vais pas vous raconter chaque jour de cette semaine aux 150km, vous décrire ces moments savoureux à l’étape, en chaussons, douchés de chaud, avec une soupe fumante ou des patates au lard. Je ne vais pas décrire chaque histoire de vie : cet exode de 1940 d’Alsace vers Lourdes d’Helène à 4 ans (85 ans aujourd’hui) - ces pépites d’humanité : un livre ouvert à chaque rencontre et que l’on referme à regret, le matin, un peu endoloris mais déterminés à reprendre le chemin.

Merci à tous nos anges gardiens qui nous ont accompagnés sur un bout de sentier.


De repos à Remiremont on vous mets quelques images, impuissantes à raconter toute la densité du voyage, avec nos sabots...


Qu’il est doux de marcher sans sacs ! Ils seront acheminés en voiture jusqu’à Girmont Val d’Ajol ou Marie-Christine rejoint Claude qui nous a guidés à travers bois depuis Remiremont. 


Une nuit chez une hôte du réseau Servas ayant adapté son emploi du temps pour notre accueil, chalet de bois et chaton joueur, une amitié nouvelle - nous sommes encore et encore étonnés de tant d’attentions pour les pèlerins du printemps.


Puis la forêt, ravagée de scolytes, ses chemins défoncés de coupes, chargés des dernières neiges, et abritant le chalet de l’impératrice où seul l’empereur s’est montré.

Et puis les 1000 étangs, la tiny house de Beulotte Saint-Laurent, les traces de sangliers, cet écureuil farouche et ce renard surpris, les grappes de crapauds enlacés ; des oasis de calme aux prés à l’herbe encore couchée par la neige, aux chalets souvent aboyant d’écriteaux de propriété privée, de pêche interdite et de baignade aussi - mais elles ne nous ont pas manqué, les baignades, dans ces eaux noires qui reflètent le ciel mieux qu’un miroir.

On passera par la mer avant Melisey, accueillis par un couple Servas, simplicité chaleureuse, Lucette enrhumée mais attentionnée - un tour dans le verger pour tailler les arbres grignotés par les chevreuils et livrés à eux-mêmes depuis trop longtemps. Dernière étapes de cette semaine : Ronchamp, ici Le Corbusier et Renzo Piano ont construit pour accueillir la lumière, “des espaces indicibles si précieux à tous les amoureux de la beauté ”.

Deux jours de repos, de décapage intérieur, dans ce lieu chargé d’histoire et de grâce : silence rythmé par les cloches et les trilles des oiseaux du matin - Clarisses discrètes et tenaces dans leur ancrage à l’architecture moderniste où tout est dessiné, chaque meuble (Prouvé-vitra, Artemide,..) même les panneaux d’incendie respectent la charte graphique du lieu ; la décoration est de Giotto (1267-1337) !


Nous voilà repartis de Ronchamp, reposés, avec toutes les bénédictions possibles et l’aura de pèlerins qui inventent des chemins qui ne sont pas toujours sur les cartes.

La Chapelle reste longtemps visible depuis le GR qui épouse la fantaisie des collines : tête de cheval, raie du cul (sic) rallongis dûs à des changements de traces pas sur la carte. On traverse des villages saturés d’aboiements de toutes espèces : du roquet à sa mémère jusqu’au loup de garde heureusement attaché ! Clébards agressifs envers deux libres pèlerins passant derrière leur grillage.

Record ! fourbus : 35km, 780 m de dénivelé, une surprise  à l’arrivée : le modernisme laisse la place au bordélisme fermier, 5 épaves démontées-rouillées gardent l’accès à la chambre propre et simple. Mais surtout accueil chaleureux d’Isidore et Colette, personnages tout droit sortis d’un documentaire de Depardon avec les soucis des enfants en plus ! Des cœurs en or se débattant dans un environnement social méritant 3 étoiles au guide hachette de la mouise...


Adieu les sols rouges des Vosges, on redescend vers le Doubs et le calcaire gris et blanc, encore beaucoup de forêts puis de grandes prairies ouvertes, vertes fluos et jaunes de pissenlits. Rencontres : une biche surprise, 5 lapins jouant à se poursuivre, des pépiements incessants de merles et de tout ce qui porte des plumes.

Au dessus de la vallée, falaises abruptes, bal de faucons et descente sur Besançon, forteresse imprenable dans les méandres du Doubs. L’accueil des Servas est exceptionnel, visites et balade dans la ville avant d’attaquer la suite qui s’avère froide et pluvieuse, avec attestation de déménagement... on continue...


A travers flocons et prés, évitant les routes, nous déménageons. D’abris en chapelles, nous chantons, des marches parfois ou des alléluias. Rien n’arrêtera plus les pèlerins, ni verglas ni neige du matin.

Les corps se réchauffent au rythme des bâtons et le thé brulant redonne vie aux doigts gelés du photographe.

Au puit de la Brême une pensée pour les amis des sentiers des deuilles, devant ce grand trou d’eau turquoise avec poissons égarés. Après Besançon, Trépot, puis par la voie verte, marche tranquille, train train avec tunnels et découverte de la Loue à Ornans- Courbet est fermé mais les truites indifférentes se laissent admirer, savourant la fermeture de la pêche. Émerveillés sans cesse, épuisés de beauté et de dénivelé.. on visite toutes les chapelles ouvertes priant d’éloigner les képis de notre chemin.


Repos au Nods où l’accueil avait la qualité du superbe rétable baroque de l’église, restauré à grands frais (650000€). Les 1000 ha de forêt servant de caisse d’épargne à ce village de 600 habitants.

Le loup et la Lison, une histoire d’eau !

Dans des gorges profondes jaillissent les sources de la Loue et du Lison. Rivière souterraine du Doubs pour la Loue, dénoncée par l’absinthe de Pontarlier(en 1901, l’usine Pernod ayant brûlé, le breuvage fut retrouvé coulant dans la Loue) Accueil Servas à Septfontaine dans une fratrie de bavard.e.s passionnant.e.s.

Puis la pluie, sur une étape marquée d’histoires de résistance, jusqu’à Nans-sous-saint-Anne où la neige tombera durant la nuit.

Sur les hauteurs, les croix ou les statues de la vierge côtoient les antennes 4/5G ; signe des temps. Je confesse que la 4G m’est très utile pour trouver notre chemin...

Un coup de cœur : la grotte Sarrasine prés des sources du Lison, grandiose !

On continue sur Salins puis Arbois


Les saisons balbutient au long du chemin: pluie, soleil, neige, gel, printemps, hiver, printemps, hiver, prinver et hitemps, prés verts et étangs, gelés comme les bourgeons des vignobles d’Arbois ou les fleurs de cerisiers.

On découvre des forêts moussues comme sortant du fond d’un aquarium, des buis morts de trop de chenilles et des arbres couchés en travers des chemins, fourbus de sécheresses ou cassés de lourdes neiges.

Parfois le silence aidant, des présences sauvages, surprises : écureuils, lièvres, chamois jouant dans les prés, renards chassant le campagnol, et... notre ange gardien qui nous accompagne depuis le début, deux ailes jaunes au vol plein de détours, dessinant dans l’air l’électrocardiogramme d’un cœur affolé. Papillons, échos dans nos cœurs des mémoires de ceux que leur cœur a lâché : JeanJacques, Marcel, Beka, triste série d’amis disparus.

Les accueils : un kaléidoscope aux couleurs changeantes, du château à la vieille ferme bricolée, d’une maison du XVIIIe à un hôtel 3* désert...


Rencontres : avec ceux qui dégagent les chemins de randonnée des arbres tombés, à vélo, avec cisailles et tronçonneuses !

Deux touristes pour échanges de photos et deux ânes pour le pic nic.

Le regard, trop souvent sur le sol et parfois ébloui de pissenlits ou de pervenches, en oublie le paysage ; mais surtout : ne pas tomber, ni tordre cheville, ce serait la fin du voyage.

Jeunes Montbéliardes accourant à notre passage, curieuses ou simplement assoiffées et déçues de notre pauvre litre d’eau jalousement préservé.

Et... bientôt, Grange-les-Baumes, étape attendue - chez Béatrice rencontrée à Ronchamp, 15 jours auparavant, par le plus grand des hasards. Bistro dortoir “au goût des autres”, repas savoureux et délicat, frais comme cette nouvelle amitié…

à suivre

François Golfier

golfierblic@gmail.com

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